Tout ce qui brille est d'or [ avec Sayako]

Le bruit du réfectoire l'indisposait aujourd'hui. Trop chaotique, trop de bruit. Comme à l'accoutumée. D'ordinaire, il n'y prêtait pas attention mais aujourd'hui cela l'agaçait. Les gens se parlaient pratiquement en hurlant et vu qu'il déjeunait en compagnie d'étudiants en théâtre, la chose lui paraissant encore plus pénible.

Mais le bruit venait aussi d'autres endroits. Alentour. Des rires gras, des éclats de voix monstrueux. La table des Golden Boys par exemple. Pour des étudiants soi-disant faisant partie de l'élite, Seto trouvait qu'ils créaient un boucan ridicule. Et ce midi n'était pas différent des autres.

Seto repoussa avec irritation son bol de riz blanc, un sourire ironique au visage. Certains jours comme celui-ci, Kirô lui manquait presque. Quelqu'un de potable avec qui converser c'était bien trop rare dans cet établissement. Quel idée de se barrer aux States!

« Tu m'écoutes Seto? »

La voix de Makiko résonna dangereusement à ses tympans. Une voix haute, aigue qui vrillait à chaque fois ses sens. Elle avait une voix lamentable et un caractère pire mais elle était magnifique, seul raison pour laquelle Seto la tolérait.
Ça et le fait qu'elle descendait d'une des familles les plus renommés du show-biz.

Ça pouvait toujours servir.

« Tu en as entendu parler n'est-ce pas? »

De quoi? Ah oui. Son photoshoot pour un magazine.

« Évidemment. » répondit-il dans une moue de circonstance.

« C'est dans quatre jours. Il faut vraiment que je fasse attention à ma ligne. »

Seto lui coula un regard en biais. Il n'avait pas envie de dealer avec elle pour l'instant mais elle était nécessaire et il fallait parfois se plier à certaine contraintes si on voulait obtenir ce que l'on souhaitait.

Sourire chaleureux. Mots l'étant moins.

« De fait. »

Cela ne la décontenança absolument pas et elle ne parut même pas l'entendre. A vrai dire, Seto était certain qu'elle ne l'avait pas entendu ou tout du moins qu'elle n'avait pas eu cure des mots sortants de sa bouche.

Tandis qu'elle continuait à discourir sur la nécessité de se montrer sous son meilleur jour, Seto reporta son attention sur la table des GB. Depuis la dernière fois, où il avait chopé Takeshi et Tanaka en position compromettante, il ne les avait pas revu. Ni l'un ni l'autre. A vrai dire sur les six GB, seul trois étaient présent ici: Mayuko, Kanzaki et Yamamoto.

Inintéressant au possible.

Mayuko était avec sa chère et tendre qui s'avérait être une totale échappée de Saint Anne, quand à Kanzaki et Yamamoto ils semblaient en grand complotage. Ce dernier acquiesçait résolument à ce que son camarade lui disait.

C'est à ce moment précis qu'il l'aperçut.

Il avait eu vent de son retour mis ne l'avait pas encore vu. Les virées avec Shunta, les enregistrements, les déménagements à répétition, le fait d’être dans des bâtiments opposés, autant d’obstacles au fait qu‘ils puissent se croise à nouveau. Il suspectait qu’elle l’évitait en prime. Il était étonnant qu’elle se soit toujours méfiée de lui même lorsqu’ils étaient bien plus jeunes. Après tout, il avait fait toute sa scolarité avec elle à peu de choses prés.

Elle était venue dans le réfectoire probablement pour déjeuner se rendit compte Seto et rien qu’en soi, sa présence dans cet endroit était quelque chose d’unique. Elle s’approcha de la table des Golden Boys doucement, lentement, presque hésitante. C’était l’image qu’il s’était toujours faite d’elle: glissant sempiternellement dans l’ombre de quelqu’un, se mouvant avec une grâce irritante, semblant presque effrayée de déranger les gens.

Pathétique. Ça l’avait toujours rendu malade. C’était tellement inhérent à sa personne ce genre d’attitude. Et c’était tellement agaçant la façon dont les Golden Boys recevaient ce genre de traitement, d’admiration (c‘était inscrit sur toute sa figure: révoltant!), comme s’il s’agissait d’un acquis.

A la base il n’avait jamais cherché à savoir lequel d’entre eux, elle cherchait sans arrêt du regard mais il aurait fallu être stupide et aveugle pour ne pas s’en rendre compte.

Or il n’était ni l’un, ni l’autre.

Sayako Yada s’installa auprès de Kanzaki qui lui sourit chaleureusement. Yamamoto aussi. La cloche annonçant 13h retentit et un bon nombre d’élèves se levèrent, les deux GB en faisant partit (Mayuko et sa donzelle s’étaient barré il y a un moment maintenant). La jeune femme les regarda s’éloigner, la bouche légèrement entrouverte. Tournant son trop fin visage de nouveau vers son assiette, elle soupira.

De manière imperceptible mais Seto le remarqua.

Pitoyable.

Elle n’avait vraiment rien de mieux à faire?

« Seto tu passeras me prendre hein? Tu n’oublies pas! » glissa Makiko et lui déposant un baiser sur la joue.

Ah c’était donc ça qu’elle voulait de lui. Le fait qu’elle fasse ce charme à trois garçons de sa connaissance était le cadet des soucis de Seto. Il n’en avait rien à faire.

« On fait ça. » répondit-il distraitement.

Son attention était ailleurs. Il repensa à Tanaka et Koizumi. Les faire mariner eux c’était mettre un grand coup double aux GB et à la Fraternité. Après tout Kiro et lui avait toujours souhaité la chute de ces deux pôles d’attraction de Todai. Il n’y avait pas de raisons particulières à cet antagonisme mis à part une profonde divergence de caractère mais pas seulement. C’était le larbin de Batman qui pouvait encore le mieux résumer la situation: certaines personnes voulaient juste voir le monde brûler et Seto en faisait partie.

L’étudiant se leva à son tour et tranquillement, il glissa jusqu’à elle.

Tirant sur la chaise la plus proche, il s’installa et posa une main sur le dossier de la chaise: elle avait toujours eu la fâcheuse habitude de s’envoler dés qu’il entrait dans périmètre de sécurité.

« Dis moi Yada, est-ce que Yamamoto t’apprécie mieux quand tu es muette? » fit-il d’une voix trop douce pour être honnête, un sourire trop lumineux pour être réel sur son visage. « C’est quelque chose qui est requis? »

L’enseignant venait d’annoncer la fin de sa classe d’aujourd’hui, ayant tout dit ou à peu près sur la matière du jour. La plupart des étudiants laissèrent entendre leur soulagement et quittèrent la pièce dès qu’ils eurent ramassé toutes leurs affaires. Ce ne fut toutefois pas le cas de Yada. Cette dernière était réellement éprise d’un intérêt pour la sociologie de la santé. Elle aimait bien en apprendre plus sur la santé et le bien-être, le tout dans l’optique de son domaine d’étude. Bref, elle appréciait la matière puis était restée après le cours pour discuter avec son professeur. Elle lui posait des questions ici et là, l’écoutait renchérir sur ce qu’il venait de dire sur la période… C’était un petit échange intellectuel entre enseignant et étudiant.

L’élève arriva donc plus tard que prévu au réfectoire de Todai. Ce qui, en soit, ne la dérangeait pas particulièrement. À vrai dire, la chose l’arrangeait puisqu’elle attendrait moins longtemps en file. Pourquoi s’était-elle aventurée à la cantine aujourd’hui, en fait? Pour la simple et unique raison qu’elle s’était décidée à essayer de profiter de sa vie universitaire. Depuis son retour à Sakurai, elle avait évité les endroits trop fréquentés… Ce qui ne l’aidait en rien à reprendre une vie sociale, n’est-ce pas? C’était donc pour cela qu’elle avait réfléchit et en était venue à la conclusion qu’elle devrait faire des efforts afin de retrouver le plus de normalité possible.

Une fois sur les lieux du réfectoire, elle remarqua Keiji Yamamoto. Évidemment, celui-ci était assis à une table avec les autres Golden Boys. Son cabaret en main, la nipponne hésita un bon moment avant de se décider à aller voir son ami. Était-ce déplacé puisqu’il était avec sa bande? Ou, plutôt, serait-il heureux de voir qu’elle essayait de s’immiscer dans le corps étudiant de la cantine? Après avoir pesé le pour et le contre, cela en avançant à pas de loup en direction des garçons, elle s’était dit que ça n’allait pas la tuer d’essayer. Dans le pire des cas, on lui demanderait d’aller ailleurs. Elle prit place sur une chaise aux côtés de Kanzaki, sans toutefois oser interrompre la conversation en cours. Elle sourit faiblement à son voisin de table et à Keiji, mais ne pipa mot.

Soudain, la cloche retentit puisque 13 heures venait d’arriver. Levant légèrement la tête, Sayako fut quelque peu surprise et déçue de constater que tous ses camarades restants devaient désormais quitter pour aller à leurs cours. La bouche entrouverte, elle ne pu faire autrement que les regarder partir et ensuite soupirer silencieusement. Regardant son assiette devant elle, elle se dit qu’elle venait de louper une opportunité de discuter avec Keiji. Son retard était en cause, elle qui avait perdu du temps à la fin de son cours. Tant pis, elle allait devoir se reprendre une autre fois. Ce n’était pas comme si elle ne savait pas où habitait le Golden Boy non plus…

… Puis voilà qu’elle se mit à regretter son initiative de prendre son repas dans la cantine. Ce ne fut pas autant le son de la chaise qui se faisait tirer à côté d’elle qui provoqua cette amertume… La cause se retrouvait plutôt dans la personne qui avait décidé de venir combler le vide de compagnie à l’universitaire. Cette dernière fut déplaisamment surprise de constater que cet aimable Seto était apparut dans le décor. D’autant plus qu’il avait été assez brillant pour prévoir le réflexe de mademoiselle : soit de reculer sa propre chaise dans le but de se lever et de partir.

« Iie… Keiji-kun discutait déjà… Le silence n’est pas du tout un pré-requis… »

Au départ, elle l’avait regardé avec les yeux grands ouverts… comme quoi elle ne s’était pas attendue à être embêtée aujourd’hui… Elle s’en serait très bien passée d’ailleurs. Peut-être devrait-elle se mettre à considérer à un investissement dans la conception d’un radar à Taguchi. Ainsi, elle pourrait déguerpir dès qu’il s’approcherait trop… mais tout cela, ça relevait du rêve. Peut-être se lasserait-il de faire semblant d’être sympathique si elle l’ignorait? Ce n’était pas comme si elle avait envie de lui faire la conversation non plus.

Prenant ses baguettes entre les doigts de sa main droite, elle entreprit de fuir le regard se son bourreau et pris une bouchée. Tranquillement, ses yeux s’étaient rivés sur le dessous de la table. La seule issue de cette situation désagréable était de se glisser sous le meuble et quitter… mais il aurait fallu que Sayako soit le type de fille fonceuse. Rayant cette possibilité de son esprit, elle prit une seconde bouchée.

« Taguchi-san ne devrait pas s’inquiéter pour moi… Ton amie là-bas essaie de te parler, je crois. »

Diversion? Inattendue, mais certainement une diversion, cette chère Makiko semblait en avoir encore à dire au jeune homme. Si Yada ne savait aucunement de quoi il s’agissait, elle se permettait d’espérer qu’il aille à relâcher son emprise sur sa chaise… Ce qui lui permettrait de disparaître en une fraction de seconde. Il va de soit qu’elle s’était mise à regarder à gauche et à droite, un peu partout finalement, et ce, afin de trouver une échappatoire.

Pourquoi ne partait-il pas encore? Il ne pouvait pas sincèrement préférer l’embêter que de régler peu importe ce qu’il devait régler avec l’autre étudiante plus loin. Si tel était le cas, la japonaise pouvait se préparer une corde pour se pendre. Se repliant pour elle-même, elle prit une bonne inspiration en fermant les yeux. Elle priait intérieurement d’être libre à nouveau pour s’éclipser avec son repas… pour ne pas dire qu’elle avait quelque peu perdu l’appétit, chose qui se voyait était donné qu’elle avait remis ses baguettes dans son plateau et qu’elle avait éloigné le cabaret de sa personne.

« Anô… Tu sais, c’est bien gentil de t’occuper de moi… mais tu devrais aller la voir. »

Vu de loin, n'importe qui aurait pu les prendre pour de bons amis. Seto se tenait légèrement penché vers Sayako, le visage attentif et la main posé dans un simili d'affection sur son siège. Quand à la jeune femme, elle se tenait droite dans son habituelle élégance et mangeait doucement comme si elle bénéficiait de tout le temps du monde.

Parfait tableau.

Sauf que la vérité était tout autre. Si Seto s'était penché vers elle, c'était tout autant pour entendre ce qu'elle disait (elle parlait à voix basse la plupart du temps) que dans l'intention néfaste d'envahir son espace personnel (ce qui ne pouvait manquer de la mettre mal à l'aise).
Si sa main était posé sur sa chaise c'était uniquement dans le but de l'empêcher de s'enfuir.

Et Sayako, pour peu qu'on la connaisse réellement (mais était-ce seulement le cas d'une seule personne ici ?) montrait des signes d'inconfort évident.

« Iie… Keiji-kun discutait déjà… Le silence n’est pas du tout un pré-requis… »

L'étudiante le regarda avec un air tellement innocent en prononçant ses mots que Seto pinça ses lèvres sous le coup.

« Keiji-kun hein ? » raillât-il, une pointe d'ironie mordante aux lèvres.

Cette idiote s'était donc amouraché du golden boy... c'était à croire que les détracteurs de Todai avaient requis un QI de moule et des goûts positivement horribles chez plus de la moitié de la gent féminine de cet établissement.

Seto pencha un peu son visage. Yamamoto. Hum, selon lui Yada valait plus que ce faux playboy même si elle ne s'en rendait pas compte.

« Taguchi-san ne devrait pas s’inquiéter pour moi… Ton amie là-bas essaie de te parler, je crois. »

L'universitaire laissa un rire s'échapper : elle avait changé... un peu. Quelque chose de diffus. Il allait vraiment falloir la pousser dans ses retranchements pour sortir quoi que ce soit d'elle.

Et peut-être que "Keiji-kun" s'avérerait un bon instrument.

« Makiko attendra. Elle peut se montrer d'une grande patience quand elle attend quelque chose de quelqu'un. Dans le fond...? Vous vous ressemblez.» commenta d'un ton léger le jeune homme en esquissant un signe de la main vers l'étudiante en théâtre.

Sayako repoussa son déjeuner tandis que le sourire de Seto s'élargit un peu plus.

« Anô… Tu sais, c’est bien gentil de t’occuper de moi… mais tu devrais aller la voir. »

Ah non Yada, c'était bien trop visible. Il allait falloir trouver d'autre ressources.

La mauvaise humeur de Seto s'était évanouie comme neige au soleil. Il avait eu peur... peur n'était pas le bon mot mais disons qu'il avait été quelque peu anxieux de savoir s'il possédait encore un poil d'ascendant sur elle ou tout du moins qu'il était encore certain par sa seule présence de la mettre réellement mal à l'aise. Le centre où elle avait séjourné de long mois ne lui avait pas enlevé ça.

Avec une lenteur étudiée et tandis que Makiko au loin faisait la tête mais se refusait à approcher (probablement par souci d'honneur ou de fierté), Seto attrapa les baguettes de Sayako. Il y glissa un peu de nourriture et remonta le tout à hauteur des lèvres de la jeune femme.

« Et te laissez ici seule Sayako-chan ? » commença l'étudiant utilisant le prénom de la demoiselle pour la première fois depuis un bon moment. « Ce serait de part trop cruel. Je ne peux décemment pas m'y résoudre. »

Un sourire chaleureux traversa le visage solaire de Seto.

« Puis, je ne vois pas Keiji-kun montrer un grand empressement envers ta personne tu sais. » ajouta t'il aimablement.

Des questions devaient être posée et maintenant… Était-elle maudite? Y avait-il un kami qui avait décidé de s’acharner sur son cas afin de passer le temps? Si cela était bel et bien ce qui se passait, il ne faisait aucun doute que Seto Taguchi devait être le zélateur en chef de ce dit kami maléfique… Sans quoi, quelle raison pousserait l’universitaire à être son bourreau depuis que les deux avaient débuté leur scolarité? D’ailleurs, ce devait être trop lui demander que de laisser une chance à la pauvre Sayako… pour une fois que cette dernière se décidait à se montrer en public depuis sa sortie du centre spécialisé. D’autant plus qu’elle ne pouvait pas manquer son coup d’aborder Keiji sans que l’autre n’y assiste… et ne s’en rende compte. Après tout, Seto ne parlait jamais pour rien… Il avait un esprit quelque peu trop calculateur pour cela. Donc il avait fait son commentaire sur le silence de sa victime avec une raison derrière la tête. Ah, ne pouvait-on pas lui enlevé son sens de l’observation? Le regarder avec surprise et prier pour un éventuel radar à Taguchi n’arrangeait pas la situation de la japonaise, qui plus est. Sans action physique, elle serait éternellement à la merci des manigances de son « camarade » scolaire. Elle se tourna d’autre part vers l’unique chose qu’elle pouvait faire : manger son repas en ignorant tant bien que mal son tortionnaire.

Cette tactique ne fonctionnant pas le moindrement, elle s’orienta vers une autre manœuvre dans le but de se libérer puisqu’elle avait rapidement atteint l’état de désespoir : elle mentionna au garçon qu’une de ses amies tentait de lui dire quelque chose. Elle espérait de son fort intérieur qu’elle allait avoir les trente secondes nécessaires pour se défaire de l’emprise de Taguchi sur sa chaise et ainsi prendre ses jambes à son cou. Eh? À sa grande surprise, même une extrêmement jolie fille, aux yeux de Yada, qui voulait lui parler ne suffisait pas pour le faire déguerpir? Il avait peut-être de la difficulté à voir et c’était pour cela qu’il ne bougeait pas d’un poil… ne? Et pourquoi disait-il que sa proie ressemblait à cette Makiko? La nipponne suivait le mouvement de main à Seto sans réellement comprendre son sous-entendu. Elle n’attendait très certainement rien de lui… ne serait-ce qu’il la laisse en paix. (Ce qu’elle était naïve, on devait le reconnaître.) Alors où ce démon voulait-il en venir? Et… et pourquoi son visage était-il rendu si près de celui de la jeune femme? C’était qu’il faisait tout pour que cette dernière ait toute la difficulté du monde à articuler qu’elle le remerciait, en quelque sorte, de son attention, mais qu’il devrait y aller.

Oh non… Pourquoi Taguchi s’emparait-il des baguettes avec lesquelles elle mangeait il y a un instant? Avec lui, ça ne pouvait pas être bon, iiè, iiè, iiè… Quel était son plan maintenant? L’étudiante fixa avec un regard horrifié les baguettes faire un retour vers sa bouche, le tout étant amplifié par la nourriture qui se retrouvait désormais entre les deux morceaux de bois. Ça ne pouvait pas vraiment être en train de se passer… Il n’était pas en train de vouloir la nourrir doucement comme le ferait un bon petit ami qui tente d’être romantique. N’y avait-il pas de limite à ce qu’il était prêt à faire pour rendre quelqu’un mal à l’aise? Sayako n’osait pas le regarder et ouvrit sa bouche à contrecœur. C’était définitif, elle ne se montrerait plus jamais à la cafétéria du reste de son existence scolaire. Elle se le promettait aujourd’hui. Soudain, elle sursauta et s’étouffa quelque peu. Elle s’empressa ensuite de voir une gorgée de sa bouteille d’eau. Elle figea par après sur place… Sayako-chan? Il n’avait pas osé… Oh que si, le sourire du garçon voulait tout dire. Oh, quelle horreur! Quel moyen horrible était-ce pour ramener de mauvais souvenir et pour donner la chair de poule à sa victime. Elle en avait des frisson et le poil qui se dressait sur ses bras.

« I… I-iiè.. Je pourrais comprendre. Taguchi-san n’a pas à se sentir mal pour moi. V-va la rejoindre, je… »

Elle ne termina pas la phrase qu’elle avait commencé… car elle se rendait compte de la futilité de ses efforts. Il n’y avait rien qu’elle pouvait dire qui aurait eut un impact assez fort pour qu’elle puisse retrouver sa liberté. Il ne lâcherait la chaise et ce, peu importe le nombre de fois qu’elle l’encouragerait à aller à la rencontre de cette Makiko là-bas. La respiration de la nipponne se fit plus rapide : elle se sentait prise au piège et n’osait pas faire quoi que ce soit qui l’aurait réellement aidé. En plus, il avait utilisé son prénom si amicalement… Voulait-il sa mort? Son pauvre système nerveux n’était pas à toute épreuve, ne s’en souvenait-il pas? Ça y était, c’était maintenant ou jamais… Elle devait trouver un moyen de s’en aller. Elle n’était plus capable de sentir son regard sur elle en sachant très bien qu’il était continuellement en train de chercher une manière de la faire se sentir d’avantage mal. Elle ne voulait pas lui donner la satisfaction de la voir se briser devant des yeux, mais…

« Eh? K-Keiji-kun s’emp… Anô, pourquoi devrait-il en démontrer? Il est un homme occupé et… Et Taguchi-san n’a pas à se forcer à prendre sa place. »

Que voulait-il dire par Keiji qui ne s’empressait pas envers sa personne? Il lui parlait, pourtant… Il la saluait également quand elle allait à sa rencontre. Il lui répondait à chaque fois qu’elle lui adressait la parole… Il la laissait aller le visiter de temps à autres… Était-il sensé en faire plus? En somme, si le but de Seto était de semer le doute, il avait réussit. La japonaise cherchait vraiment à comprendre et à analyser les mots prononcés par son bourreau. Elle essayait de voir tout ce qu’il aurait pu vouloir dire par de telles paroles, mais… Devait-elle… Non, elle ne pouvait pas lui demander de s’expliquer. Ça lui ferait trop plaisir de voir qu’il était parvenu à lui troubler l’esprit… Quoique ça la démangeait de savoir.

« Ta-Taguchi-s… »

« Seto, c’est qui elle!? »

L’universitaire leva la tête en direction de l’endroit d’où provenait la voix féminine qu’elle venait d’entendre. Elle haussa légèrement les sourcils en apercevant la fille de tout à l’heure… Cette Makiko, si elle se souvenait bien. À voir cette fille ravissante user d’un ton colérique, l’étudiante était incrédule face à ce qui ressemblait étrangement à une crise de jalousie. Elle ne voyait pas ce qu’on pouvait lui envier… quoiqu’elle cru comprendre que Makiko n’avait pas apprécié que Seto l’ait nourrie. Avec sa trop grande bonté d’âme, Sayako se demanda si elle devait intervenir ou non… Ce serait une opportunité de s’excuser et les laisser régler ce problème, mais elle se sentirait mal de le laisser avec un mal entendu… Quoiqu’il le méritait amplement et saurait sans doute s’en sortir sans difficulté. Au nombre de fois où il s’en était pris à Yada, c’était à se demander ce que cette dernière lui devait. Malheureusement, ce n’était pas dans son caractère. Elle se mordilla la lèvre inférieure, ferma les yeux quelques secondes, puis prit la parole.

« Ce n’est pas ce que ça en a l’air… Il… Il est venu me remonter le moral… ne? » murmura-t-elle plus qu’elle ne parla. Elle n’arrivait pas à croire qu’elle prenait sa défense alors qu’il n’en avait pas de besoin… Ah, s’il ne la laissait pas partir après ça… Au moins, se disait-elle, elle n’était pas comme lui. Ouais, c’est comme ça qu’elle devait penser.

« Nani!? » s’écria Makiko en colère, voyant qu’on se mêlait de ses affaires.

« Rien du tout! » rajouta rapidement Sayako, se faisant soudainement plus petite sur sa chaise. Elle en ravala même sa salive. En fin de compte, elle ferait mieux de laisser Seto s’occuper de la situation… Il était un grand garçon, ne?

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