Park MinHwan

L’odeur renfermée des lieux ne plaisait guère au gamin qui ne cessait de gigoter sur son banc, au beau milieu de l’assemblée de gens venant écouter la parole du Seigneur. D’un air maussade, l’enfant cherchait une échappatoire de tout côté sans grand résultat. Dès qu’il avait peut-être une idée ou qu’il bougeait un peu trop sur le siège dur de l’église, la main de sa mère venait se poser sur son épaule pour le calmer. En ces lieux, des gens avaient vécu des jours heureux, tout comme d’autres, un peu moins, voire beaucoup moins. Telle cette journée pluvieuse qui s’offrait à l’extérieur de la vieille maison de Dieu, l’ambiance à l’intérieur était des plus maussade, triste et silencieuse. Enfin, la cérémonie en honneur des mémoires de la petite Ji Hye tirait à sa fin. La voix monotone du curé retombait dans le silence après une prière, avant de finalement refermer sa bible et offrir ses condoléances à ceux qui étaient affligés par le drame. Le corps de la petite serait envoyé dès ce soir vers la Corée du Sud, où sa sépulture résiderait aux côtés de ses ancêtres... Les gens sortaient déjà en s’épaulant, malgré le fait que peu de gens s’étaient présenté. Quelques amis, enseignants et personnels étudiants qui avaient connu la petite, puis les autres qui avait été touchés par le drame étaient venus dire un dernier au revoir, mais sans plus. Tout comme l'époque courte de sept petites années d'existence silencieuse, elle était partie de la même façon qu'elle avait vécu...

Étrangement, MinHwan Park ne désirait plus partir. Il restait droit sur le banc de l’église. Sa mère était partie l’attendre dehors, croyant qu’il valait mieux laisser au garçon le temps qu’il fallait. Après tout, la petite défunte avait été sa seule et meilleure amie depuis leur arrivée au Japon, mais surtout, elle avait été sa précieuse petite soeur qu'il adorait tant. Petite soeur qu'il avait dû regarder mourir sans pouvoir l'aider, ne sachant pas nager lui aussi... La vie était drolement faite si l'on spécifiait que Ji Hye était la seule à avoir su nager comme une sirène, alors pourquoi? Le petit Minhwan avait les mains croisées, regardant droit devant lui, vers l’hôtel où avait été déposée la photo de sa soeur. Il avait sombré dans le vide total de son esprit, jusqu’à ce que le curé vienne s’asseoir silencieusement auprès de lui. L'enfant ne réagit pas; pas même du regard.

« Dieu l’a reprise auprès de lui… Elle ne souffre plus; elle est heureuse maintenant. N’es-tu pas d’accord? » dit le représentant de Dieu après quelques minutes de silence. « Crois-tu en Dieu, mon enfant? »

« Non. »

L’enfant n’avait pas bronché, regardant toujours la photo de la fillette de sept ans. Le curé se surprit de la réponse, particulièrement de la spontanéité de celle-ci qui n’avait pas le moindre grain d’hésitation. Curieux, il se tourna vers l’enfant et lui demanda pourquoi d’une voix douce et calme.

« Parce que vous dîtes que Dieu est notre bienfaiteur, mais il ne fait rien de bien... Alors, il n'existe pas. Car si il existait, ma soeur ne serait pas morte. » répondit le jeune garçon avec la même confiance, sans bouger une fois de plus.

« Pourtant, Dieu est là, aimant et… »

« Dieu est injuste, rien d’autre. Il n’est pas aimant, il n’est rien. Dieu est injuste… Il est égoïste et reprend ceux qui ne doivent pas partir... Dieu n’existe pas. Je ne veux pas qu'il existe pour ça. »

Le garçon se releva, salua respectueusement le curé et entreprit sa sortie en passant par le grand couloir centrale, ses pas résonnants contre les murs de pierre du vieux lieu.

*****

Sa tante et ses cousins lui manquaient... Avant, ils avaient toujours été là pour lui et sa soeur lorsqu'ils sentaient que les larmes venaient pour couler. Cependant, avant, ils étaient proches et une mer ne les séparaient pas ainsi. Aujourd'hui, le contact ne se faisait plus et Séoul ainsi que ses cousins étaient très loin de lui. MinHwan n'avait que le Japon, mais à quoi bon lorsque l'on se sentait affreusement seul? Il était là, dans sa chambre, à endurer les cris de ses parents qui se disputaient. Ils se croyaient être les seuls affligés par la perte de la petite Ji Hye, mais en réalité, leur fils était celui qui en souffrait le plus, se cachant sous l'oreiller avec l'espoir de ne plus entendre les cris qui lui arrachaient de plus grosses larmes. Depuis l'enterrement, ils n'avaient cessé de se chicaner pour tout et rien; la famille n'allait plus. Le fardeau du deuil sur leurs épaules les empêchaient de respirer et de jongler entre travail et vie familiale. Ils ne savaient plus différencier le bon du mauvais et semblaient avoir perdu la notion du temps. Le petit MinHwan passait plus de temps en compagnie de la vieille madame Sawajiri qui venait prendre soin de lui à la maison tandis que ses parents étaient occupés avec leur client entre le bureau et la cours de justice. Certes, ils avaient de l'argent à n'en plus finir, mais l'ambiance et les liens étaient sur le point de disparaître... Pendant ce temps, le garçon se forçait à l'école et passait beaucoup plus de temps seul qu'avec des amis, rares étaient-il d'ailleurs.

*****

Le garçon grandit du mieux qu’il put, dans un endroit qui ne serait jamais considéré comme une famille. À chaque jour, c'était un semblant de guerre mondial qui se passait dans l'appartement de Tokyo. Pour ce qui était de MinHwan Park, il était devenu si habitué qu'il en était rendu à être capable de faire ses devoirs correctement au milieu du champ de bataille. Il ne dépendait plus de ses parents qui avaient cessé de s'occuper de lui vu leur manque de temps et leurs promesses en l'air. De toute façon, l'enfant qui continuait de grandir ne leur faisait plus confiance... À quoi bon de toute façon?

Enfin, les adultes durent se rendre compte que plus rien allaient et qu'ils détruisaient la vie de l'autre, particulièrement de leur fils. Malgré que l'option était la plus redouté de l'enfant qui était devenu adolescent qui aurait préféré endurer encore les disputes, les parents décidèrent d'entamer des procédures de divorces. Même si cela se fit avec respect et pacifiquement, la mère et le père de MinHwan restèrent en froid et rien ne semblait pouvoir améliorer la situation. Or, il fallait pour lui qu'il se fasse une raison. Depuis le temps, ils n'avaient cessé de s'accuser et de reprocher l'autre pour la mort de leur cadette. Il était évident qu'en vivant ainsi, le bonheur était impossible, particulièrement après le drame qui avait touché la famille. Il fallait tourner la page, recommencer à zéro, mais avec cette même famille, c'était impossible...

*******

Un décor qui lui était familier. MinHwan Park y vivait depuis toujours avec son père depuis maintenant dix ans, la bonne vieille grande ville de Tokyo. Beaucoup de choses avaient changé tout comme tout étaient restés identiques à la fois. Cela faisait maintenant plusieurs années qu'il avait perdu sa soeur et un an que ses parents s'étaient séparer. Son paternel était resté au Japon et ne comptait pas se remettre à reconstituer une vie avec son fils, débordé par le travail et les dossiers. Sa mère, tant qu'à elle, était partie laissant son seul enfant toujours en vie avec son père et repartie à Séoul. Très vite, elle s'était remise à travailler, oubliant de nouveau son garçon devenu adolescent. C'était un plaisir alors pour sa vieille grand-mère qui se plaisait d'avoir enfin l'un de ses petits-fils avec elle. Cette bonne vieille grand-mère qui était probablement la seule à écouter son petit-fils lors des moments d'absence de ses parents, la seule à prendre plaisir à le voir sourire et lui cuisiner les meilleurs petits plats possible... Bref, la seule à réellement le voir grandir et se ficher totalement du fait qu'il devenait un enfant ingrât et injuste. Elle ne pouvait faire autrement que le comprendre; le fait qu'il eit tout fait pour jouer contre la volonté de ses parents à son entrée à l'université, pourquoi il ne se liait pas facilement d'amitié et surtout, pourquoi il avait se caractère des plus haïssable quand cela lui prenait...