Quand Dieu attend sur le palier [ Reina <(/)3 ]

« Décroche, bordel. »

Amis de l'éloquence et du savoir-vivre, bonjour. Ou bonsoir, à en juger l'heure tardive qui s'affichait sur le portable high-tech de notre héros du jour. Portable que Kirô ferma violemment, grognement à l'appui, lorsqu'il constata, qu'une fois de plus, il était tombé sur la messagerie de Reina.

« Putain de gonzesse même pas foutue de répondre. »

Et pourtant, au-delà de l'agacement superficiel que lui infligeait cette ignorance monumentale, aucune trace de colère plus profonde. Encore heureux pour la belle -mouais x_x-, qui avait simplement dû faire l'erreur d'éteindre son téléphone la soirée où Terazawa avait décidé de faire son caprice. S'il se trouvait être aussi serein -enfin, tout était relatif, comme pouvait en attester la pauvre poubelle qui s'était trouvée à proximité-, c'était tout simplement parce que ce coup de téléphone-là n'était qu'un premier coup de semonce. La méthode la plus efficace pour en venir à réveiller sa boxeuse favorite -ou pas, mouahaha-, il l'avait devant lui. Soit, le digicode d'un immeuble crasseux -tout du moins, aux yeux de riche de Monsieur-, où s'étaient établis les Yoshida depuis bien trop longtemps. Ils n'avaient pas pu être plein aux as, histoire qu'il ait moins de chemin à faire ? Non, forcément, c'était trop demandé. Pfft.

Mais, au fait. Pourquoi Kirô se retrouvait-il en bas de chez Reina, un soir d'été, à exactement 03h35 et 8 secondes, seul et encore sobre ? Les boîtes de Ginza avaient toutes fait faillite depuis la veille ? Les bars d'hostess avaient exceptionnellement fermés pour on ne savait quel jour saint ?
Non plus. Son père, désireux quant à l'intégration de son héritier au sein même de sa compagnie, ou, plutôt, du groupe d'associés dont il s'était entouré, l'avait expressément forcé à participer à l'une de ses réunions à domicile, plus porté sur la dernière importation de cigares, que sur le business en lui-même. Autant dire qu'il s'y était ennuyé à mourir, écoutant les bavardages de vieux croûtons dans son costume trois pièces, jusqu'à ce que le nom de Soejima fut évoqué.

« Alors, le mariage, c'est pour quand ? »

Et une dizaine de paires d'yeux braquées sur le fiancé. De quoi le faire sortir de ses gonds en un temps record. Heureusement que le paternel, comme toujours, avait décidé que l'attention se devait d'être de nouveau sur lui, détournant le sujet avec habileté.

Bon. C'est bien beau, tout ça. Mais on ne voit toujours pas le rapport entre ce rassemblement de businessmen, et la présence d'un Terazawa, accompagné de sa sport, dans un quartier glauque.
Si la voix voulait bien faire preuve de plus de patience que son maître, merci è_é.
Ainsi donc, à force de scotch et de cigarillos, les invités avaient pris congé beaucoup trop tard au goût du jeune homme. Sa soirée était largement foutue. Se refusant à dormir si tôt, il s'était donc mis en quête d'une discothèque potable, avant d'y renoncer en réalisant ce dont il avait envie. Plus que de terminer la nuit en charmante compagnie. Plus que de se saoûler jusqu'à l'aube.

Aller emmerder Reina.

Sans même forcer sa mémoire, Kirô composa le code qu'elle lui avait inconsciemment donné, il y avait de cela des années. Si elle avait su à quoi celui-ci servirait...
… Quoique, quand on repensait au coup de la surprise hentai, après que Papa Yoshida ne soit parti jouer, pas sûr qu'il y ait regrets, de son côté à elle. Mouahaha. Qu'il était bon d'être le meilleur.
Triomphalement planté devant la porte bien connue, il sonna.
Kiki ! Et l'Oto-san tu y as pensé ? è_é
Boh. Il devait probablement encore être à l'une de ses parties de poker à la con. Et puis, c'était pas comme s'il devait se lever le matin pour bosser, hein.
Oui mais bon... Pas la peine de tambouriner non plus, hein x_x. Parce qu'après, tu ronchonnes quand Mademoiselle te frappe, et est de mauvaise humeur. Faudrait savoir è_é.

« Ramène ton cul ici, Yoshida ! Dieu n'attend pas. »

Le pire ? C'est qu'il était sérieux x_x.
Qui de mieux que lui pour incarner Kami-sama ?

Bon Dieu, qu'est-ce qu'elle était lente. Ca faisait quoi ? Au moins cinq secondes qu'il s'acharnait sur la porte, et toujours aucun signe de vie. Quand Terazawa Kirô était sur le palier, on se réveillait sur le champ, avant de lui ouvrir avec une révérence dans la seconde qui suivait. Enfin, la dernière partie, il voulait bien en faire cadeau à son amie, sous condition d'arborer un joli sourire d'hostess docile.
Une simple question. Comment Reina aurait-elle pu être au courant que c'était toi, imbécile ?
Bah. Quand il était dans la place, l'ambiance devenait soudainement princière, imposante, voire divine. On se retournait sur son passage, et les plus faibles prenaient garde à ne pas croiser son terrible regard, sous peine d'une punition sans appel. Ce genre de trucs, quoi.
Mon pauvre, si tu savais qu'à l'instant, elle te prend pour un scout, avec ton atmosphère divine x_x.

Kirô en était à se demander s'il n'aurait pas mieux fait d'aller finir la soirée en ville, usant de son poing pour la cinquantième fois consécutive contre cette pauvre porte. Le room service laissait définitivement à désirer, chez Yoshida. Pour les invités les plus prestigieux, en plus.

« Pas trop tôt. »

Laissa-t-il échapper lorsqu'il entendit, puis vit, la poignée pivoter.
Quoique, en fait, pas si sûr qu'il ait envie de la voir, Reina.
Eeh ? Tu nous as fait chier tout du long pour aller la voir, et maintenant, tu voudrais rebrousser chemin ? C'est à cause du scout, c'est ça ? è_é
Même pas. C'était juste que, quand la porte s'était ouverte sur la demoiselle, il avait eu droit à un spectacle qu'il n'avait pas vu depuis... Relativement longtemps. Soit depuis leur dernière séparation, en fait. Ou, si on prenait un peu plus de recul, on pouvait associer le tout au mode intello qu'elle empruntait à Todai.
Hein ? Mais de quoi tu parles, Kiki ?
Tout simplement de la tronche que tirait mademoiselle, suite à son réveil brutal, et apparemment pas encore tout à fait terminé. Pas qu'elle soit horrible -elle savait toujours garder un physique avenant en toute circonstance, Kirô se l'accordait. Mais de là à lui dire...-, mais les traces de fatigue étaient encore bien apparentes. Et Monsieur le lui démontra largement, d'abord par un coup d'oeil détaillé à son visage, soutenu par un léger sourire railleur, puis, lorsqu'elle le laissa entrer :

« T'aurais pu t'arranger un peu, avant d'ouvrir. J'sais que t'es pas top* dès le départ, mais quand même... »

Mais oui imbécile, énerve-la dès le réveil pour mieux t'en prendre dans la tronche x_x. On va dire que c'était pour l'histoire du scout, hein.
Les conséquences ne tardèrent d'ailleurs pas à se faire sentir -violemment, de surcroît-, alors qu'il s'apprêtait à lui exposer les raisons d'une visite aussi tardive, comme elle le lui avait demandé.

« Putain ! »

Surpris, Kiki ?
Pas qu'un peu. Une femme, ça doit se taire, et chérir l'homme qu'elle aime è_é.
Même Yoshida Reina ?
Surtout Yoshida Reina.

« Mais t'es complètement barge toi. »

Par contre, la tape derrière la tête que tu viens de lui coller, c'était peut-être pas nécessaire x_x.
Fallait bien se faire respecter. Et puis, elle venait de l'énerver, avec ses conneries. Depuis le temps, elle devrait le savoir, qu'on ne tabasse pas impunément le Grand Kirô.
Et toi imbécile, tu devrais pas être au courant que la réciproque est vraie ? x_x

« La prochaine fois, je te laisse crever dans ton lit toute seule. »

Mais oui, fais-toi passer pour un Messie interrompu dans sa divine mission sauvetage de Reina. Peut-être qu'un sourd muet aveugle y croira, sait-on jamais.

« Et amène-moi un truc à boire, maintenant que t'es là ! »

…
Finalement, les suicidaires, ça n'était peut-être pas les quelques amis de Kirô. Mais le bonhomme lui-même. Qui attendit patiemment, les mains dans les poches de sa veste de marque, la mine grincheuse, et prêt à riposter à toute contre-attaque éventuelle.
Parce qu'en plus, il n'avait pas dormi, LUI è_é.


*NdlA : Nous déclinons toute responsabilité quant à un éventuel jeu de mots.

Kirô aurait été homme à rire, que le commentaire blasé de Reina aurait fait mouche. Mais tout le monde savait pertinemment que le jour où Monsieur serait doté d'un minimum d'humour -outre que l'humour sadique, cela va de soi x_x-, Yoshida Reina n'aurait plus le goût pour la castagne, et deviendrait tout aussi fade que les autres pauvres qui l'entouraient.
Ainsi donc, il répondit à sa moquerie soulevée par un froncement de sourcils, ne sachant que trop qu'elle se foutait de lui. Et, forcément, on ne se moquait pas impunément de Terazawa, et surtout pas quand il n'avait pas dormi de la nuit -la faute à une pauvre fille à tendance boxeuse, en plus, si ce n'était celle d'une certaine narratrice du nom de Boo ?- : son ex-ex-ex-ex-ex-ex-ex(...)-ex allait payer. Pas trop fort -on en était qu'à l'échauffement-, mais juste assez pour lui montrer qui était le plus fort. Non mais.

« Tes serviteurs ? Tu parles du clampin qui te sert de père ? »

Fit-il donc, dans un retour de flammes minimisé. Quoique. Toucher au paternel, c'était plutôt risqué comme manoeuvre, il fallait l'avouer.
Bah. Kirô n'avait jamais éprouvé qu'une franche indifférence envers le père Yoshida -teintée de mépris certes, n'est pas Kiki qui veut-, toujours fourré dans une galère de poker, ou à parler catch avec sa fille unique. Pas étonnant qu'elle soit devenue ce qu'elle était aujourd'hui, ne.
Surtout avec une mine pareille. Elle avait mis tout ce temps pour venir lui ouvrir, et voilà qu'elle n'était même pas présentable. Franchement.
On voudrait bien t'y voir au réveil, Kiki è_é. Avec le visage gonflé, les yeux encore plus bridés que d'habitude, et un bordel innommable du côté de ta masse capillaire. Enfin, Reina pouvait sûrement témoigner que pour toi aussi, le matin était difficile. Surtout quand c'était en plein milieu de la nuit.
Ouais, mais lui restait sexy en toute situation.
Et pas elle peut-être ?
… Ah bon, Reina avait refait la déco de sa chambre ? Il fallait vraiment qu'elle le lui montre, il avait hâte de voir ce que ça pouvait donner.
Comme quoi certains persos sont vraiment des lâches è_é.

Cookies ? Croix-rouge ? … Hein ?

« T'as commencé à boire sans moi ? »

Ou alors, elle pensait encore rêver. Aah, il le savait, qu'elle fantasmait toujours sur lui !
Et voilà, se foutre de la tronche d'une Reina mal réveillée, c'est dangereux : une baffe plus tard, que Kirô ripostait, avant de s'en reprendre une en grognant. Sa main le démangea de nouveau suite à ce double affront, mais il n'en fit rien : ç'aurait été trop immature que de continuer ce petit jeu.
Tu parles, il attendait le moment propice, oui x_x. La demoiselle s'étant reculée, il était clair qu'elle se méfiait de la prochaine offensive. Lui réclamer un truc à boire au lieu de continuer sur cette lancée-là, c'était pour l'instant plus raisonnable.

Un moment, Kirô crut être victime d'hallucination. Elle allait vraiment lui chercher une bière sans même argumenter, ou tout du moins ronchonner ? Mouahahaha. Une fois de plus, il avait vaincu.
Il la regarda partir avec un sourire de vainqueur sur les lèvres, puis traina lui-même la patte vers le canapé des Yoshida, avant de s'y laisser tomber sans grâce.
La vache, ils pouvaient pas investir dans du vrai cuir ? Ou au moins dans un truc plus confortable. Et la TV ? Un peu plus grande, ça aurait pas été du luxe, ne. M'enfin. Il fallait s'en contenter. Allumant donc le poste, il zappa sans grande conviction -montant bien entendu le volume à sa guise, le souci des voisins ne l'inquiétant pas le moins du monde-, et s'arrêta sur une émission typiquement japonaise -soit plutôt débile dans son genre- puisque Reina était revenue avec le butin.
Dis-lui surtout pas merci imbécile, ça t'écorcherait la bouche è_é.
Bah. Elle n'avait fait que son boulot de femme, après tout.

Sans même regarder sa bouteille, il l'ouvrit d'un geste expert, prêt à entamer la causette -ou plutôt à lui balancer une saloperie, oui-, et, sans surprise, se retrouva couvert de bière.

« … Putain, Reina ! »

Ca, c'est le cri de rage qui indique clairement qu'il faut courir. Mais heureusement pour Kiki, il eut le réflexe heureux de l'attraper par le poignet, dégoulinant toujours d'alcool, et dans un même mouvement, enversa l'autre moitié, encore intacte, sur la demoiselle. Une tape derrière la tête en prime, en digne vengeance.
Par contre, Kirô, pas sûr que ça s'arrête là, cette histoire x_x. Entre nous, tu ferais mieux de te planquer, ou de fuir comme un lâche, au lieu de la regarder avec un sourire narquois.

Les suicidaires et autres grands dépressifs de ce monde n'avaient qu'à bien se tenir : Kirô et Reina étaient dans la place, et semblaient bien déterminer à redéfinir le mot en lui-même par une série d'actes plus masochistes les uns que les autres. Parce que oui, le bonhomme était au courant que parler du paternel en ces termes, c'était sûrement la dernière chose à faire en présence de son amie. Elle ne l'aimait sûrement pas autant que lui -euh, Kiki, les chevilles x_x-, mais y tenait quand même assez pour prendre la mouche à chaque remarque désobligeante -et ce même si elles étaient fondées. Il se rappelait encore de la fois où il l'avait traité d'alcoolique impuissant, et de bon à rien qui finirait sûrement en taule : bien qu'il n'ait gentiment proposé à Reina de l'héberger le temps qu'il ne purge sa peine, il s'en était pris une, même deux... Allez, trois. Voire quatre. Bref, une dizaine de coups qui l'avait plutôt marqué. Et pourtant, Monsieur revenait à la charge sans même redouter la suite.

Il est con, ou il ne pense pas un instant qu'elle va lui en mettre une, cet imbécile ?
Holà, vous sous-entendez qu'il ne la connait pas bien, Yoshida ? è_é Ca, c'est passible de mort. Même si, de l'autre côté, il n'avouerait pour rien au monde qu'il la connait mieux que personne, et surtout pas en public x_x. C'était comme lui faire une déclaration : c'était con, niais, et purement inutile. Quoique, s'il voulait un jour la voir avoir une attaque, pourquoi pas.

« Nan, ça c'était le jour où j't'ai adressé la parole pour la première fois. »

La narratrice décline toute responsabilité quant aux prochains coups que Kiki recevra suite à ce nouvel épisode x_x.
Tout ça parce qu'il avait été franc ?
D'une franchise de Kirô vexé oui, ce qui équivaut plus ou moins à... De la mauvaise foi, en fait. Qu'est-ce que tu serais devenu, si tu ne t'étais pas retrouvé à causer avec la deuxième rebelle -parce que le number one, c'était lui, bien entendu- de la classe ? Un enfoiré qui ne pensait qu'à lui ? Ou un salaud qui profitait de des autres sans aucun scrupule ?
…
Oui, bon, au final, que tu l'aies rencontrée ou pas, ça n'aurait pas changé grand chose x_x. Mais si on te l'enlevait maintenant, la petite Reina, tu...
La ferme, voix, il essayait de savoir si oui ou non, elle avait osé entamer la boisson sans lui. Et, de fait, il eut de nouveau un sacré doute, qui se transforma bientôt en une toute autre certitude : elle se foutait de lui. L'humiliait. L'imaginait en... Scout x_x. Kami-sama.
Il entrouvrit légèrement les lèvres, sourcils froncés, en proie à une incrédulité folle lorsqu'elle éclata de rire. D'où sortait-elle des conneries pareilles ? Lui, modèle de charisme, réduit à l'état de plouc des bois en quelques paroles. Ne manquait plus qu'on le compare à Sangoku, tiens.

Puis la guerre fut déclenchée. Par un coup d'une fourberie effroyable, auquel Kirô répondit par un joli gâchis d'alcool, esquissant un sourire revanchard. Là, ils étaient quittes, même, si forcément, la réplique ne se fit pas attendre, refroidissant de nouveau Terazawa.
La balle était dans son camp, et plus de munitions à portée. Il devait...
Tu sais, Kiki, tu pourrais tranquillement déclarer l'armistice et aller boire en paix devant la télé. La soirée ne se terminerait pas en tuerie, et au moins, vous resteriez de bonne humeur.
… Nous disions donc qu'il devait agir vite, très vite, et c'est d'ailleurs ce qu'il fit : rapidement, il attrapa ses poignets, entravant toute tentative de coups, et, surtout, de tapes derrière la tête. Parce qu'à force, ça faisait mal, ces conneries.

« Fais bien gaffe à ce que tu fais, Yoshida. »

Ce qui aurait pu être effrayant si un nouveau sourire n'avait pas fait siège de ses lèvres. Quoiqu'on pouvait clairement pressentir qu'il avait une idée derrière la tête, le petit. Et lui avait au moins la force de son côté -la vraie, pas celle de Luke, hein- pour mener à bien ses plans : lâchant brusquement ses bras, il l'attrapa par la taille, avant de la charger sur son épaule. C'est que malgré des années de castagne, mademoiselle restait une fille, fine qui plus est, et lui un homme fort, grand, beau, qui avait déjà fait ses preuves en terme de forcing féminin.
… Par contre Kirô, t'es pas obligé de mettre tes mains sur ses fesses pendant que tu la portes, hein x_x.
Rhoo, si on pouvait même plus profiter de la faiblesse d'une femme.
Enfin. Il l'emmenait là où tout commençait. Ou tout finissait, aussi. Soit, la salle de bain. Et s'il y avait une baignoire au lieu d'une douche, nous plaidons la perversité du camp adverse.
Dans une scène de déjà vu, il se planta devant le bac, commença par faire couler l'eau en s'assurant que Madame ne gigotait pas trop, et la planta là, sous l'eau glacée, un sourire goguenard sur les lèvres.

« Après, va pas dire que j'prends pas soin de toi. »

Ben quoi ? Il lui permettait de se laver de toute la bière qu'il avait pu lui verser dessus.
Et puis, c'était à son tour de se marrer. Mouahahaha.

De ce fameux jour de punition, nous pouvons retenir une chose : Kirô et Reina s'étaient toujours battus d'une manière ou d'une autre, et ce dès la première seconde. Les instants paisibles pouvaient se compter sur les doigts d'une main : celui où ils avaient conclu le pacte Miho -qui, effectivement, avait lamentablement échoué à cause de Boo Yoshida, que l'on félicite è_é-, et les quelques -nombreux, plutôt- autres où ils avaient décidé de se mettre, puis remettre, ensemble. Quoique ces moments-là n'avaient pas toujours été tendres non plus, bien au contraire : lui se souvenait avoir pris des baffes / coups de pied / fouets / castrations mémorables peu avant d'emballer, ou de se faire consoler par Reina d'une façon plutôt agréable en soi. Mais tout le monde savait que c'était de toute façon beaucoup mieux quand il y avait violence, et Kirô ne s'en était à vrai dire jamais plaint dans quelque situation que ce soit.
La faute à son côté masochiste ? Surtout parce que c'était elle, oui. Personne -pas même Seto, avec qui il avait pourtant un lien particulier- n'aurait jamais tenu si longtemps dans sa liste de connaissances appréciées, avec autant de remarques et de coups, surtout. Probablement parce que Taguchi n'avait aucun sex-appeal aux yeux de Monsieur, là où son ex atteignait des sommets, et parce qu'il était un homme, il acceptait qu'on le batte uniquement sous réserve d'être sexy -et encore, là non plus, ça n'était pas donné à toutes. Comme quoi la petite annonce de Miwa devait avoir un fond de vérité plutôt criant en son genre, ne.

Le pugilat continuait de plus belle, démontrant à quel point nos deux protagonistes tenaient l'un à l'autre.
Ou pas. Car pour l'instant, excepté la rumeur quant à une moue boudeuse chez Reina, les démonstrations d'affection étaient plutôt limitées, voire inexistantes. Quoique, la main prochaine de Kirô sur les fesses de la demoiselle, ça compte ?

« Prends pas ton cas pour une généralité, on a pas tous un père déglingué. »

Kiki, on t'a déjà dit que t'attaquer au Papa, c'est pas une bonne idée x_x. Mais bon, si tu tiens tant que ça à t'en prendre une, pourquoi pas, hein.
Disons que c'était une vengeance anticipée pour le scout. Surtout que ce qu'il disait avait indéniablement une part de vérité : il n'aurait pas été étonnant qu'un quidam tel que le paternel ait fait quelques bourdes du genre, qui, aujourd'hui, laissait des traces parfaitement visibles. Quelle fille sensée l'imaginerait, lui, en scout, en plein milieu de la nuit ? A cette heure-ci, on était plutôt en plein fantasme sur son corps de rêve.
Ou alors, on l'arrosait de bière histoire de jouer à Miss T-shirt mouillé. Et comme Kirô était plutôt arrangeant, il avait décidé de l'y aider en l'emmenant faire un tour du côté de la baignoire.

Le priver de sa descendance ? Elle allait faire quoi, ainsi entravée ? Lui remonter le boxer jusqu'à ce que castration s'en suive ? C'aurait été cruel. Horriblement cruel. Encore plus cruel que de lui monter dessus dans une baignoire, ou de l'enfermer dans une cabine d'essayage en sa compagnie.
Mais l'affreuse Yoshida se rendait-elle compte qu'elle se menaçait peut-être elle-même, là-dedans ? Car après tout, l'hypothèse d'un énième rabibochage n'était pas à écarter.
Preuve en était la fessée qu'elle lui administrait en ce moment. C'était vraiment une vengeance, ça ?Parce que Kirô, lui, trouvait ça plutôt agréable en soi. Bien que, forcément, ça ne fasse un peu mal -c'est qu'elle frappait fort, cette folle.

« Tu tiens tant que ça à me faire l'amour ce soir ? Perverse. »

Dixit celui dont la main trainait toujours sur le derrière de mademoiselle.
Et voilà qu'elle tentait de le prendre par les sentiments, lui, l'insensible Terazawa. Son sourire s'élargit devant l'ampleur de sa connerie, avant qu'il ne la dépose, comme prévu, sous la douche. Mouahahaha.
Euh, par contre, mieux vaudrait ne pas trop rire, et anticiper sur la vengeance, non ? Sinon, tu vas te retrouver à...

« Putain c'est froid ! »

Et voilà. Qu'est-ce qu'on t'avait dit, imbécile ? è_é
Oui mais bordel, son gel ! Celui-là était pas waterproof !
… Tout ça pour des cheveux ?
Pas des cheveux, ses cheveux !
Sous la douche glacée qu'il se prenait en juste retour de flammes, il jura encore, les cheveux plaqués contre son crâne, tentant de se dégager de la poigne ferme de Reina. Il attrapa fourbement le gel douche qui se trouvait à sa portée, avant de se saisir du poignet tenant le pommeau, pour mieux le retourner contre son propriétaire, en pleine face. Et comme si ça ne suffisait pas, il ajouta au tout une bonne dose de gel douche, le visage crispé sous l'effort.

« Tiens, pour mes cheveux ! »

Espèce de petite nature.

Ah non. Que Reina ne commence pas à donner raison à Miwa -qui, de fait, lui avait déjà donné un numéro pour violence conjugale perpétrée par ces dames, un jour où il avait laissé trainer son portable-, ou il allait malheureusement devoir la faire disparaître de la surface de la planète, pour avoir entaché son honneur d'homme viril intouchable. Comme s'il en était capable, ne.
Quoiqu'avec la bête, rien n'était moins sûr ; au temps de la primaire, où étaient nées quelques amitiés plutôt solides, il n'avait pas hésité à trahir ceux qu'il appréciait pour le nom de Terazawa. Certes, on n'était plus à cette époque-là, mais il faisait toujours preuve d'une insensibilité démesurée dès qu'il s'agissait de son ego. Et Reina n'était malheureusement pas à l'abri d'un coup du sort de ce genre, malgré toutes ces années passées quasiment l'un sur l'autre -et parfois au sens propre du terme, ahem. Terrible, ne ? Bah. Elle savait pertinemment dans quoi elle s'était engagée, en continuant de supporter son sale caractère, et devait deviner tout aussi bien qu'il n'avait parfois aucun état d'âme quant à ceux qui lui étaient chers. Du grand Kirô, en somme.

Il espérait seulement ne pas avoir à recourir à ce genre de choses : parce que, premièrement, il l'aimait évidemment beaucoup plus qu'il ne l'aurait jamais admis, la bestiole. Et, deuzio, elle s'accrocherait malheureusement à lui, tout en lui faisant payer le centuple de ce qu'il lui aurait infligé, comme il la connaissait.

Mais passons sur ces hypothèses plutôt sinistres, qui n'arriveront probablement jamais -à part peut-être si Madame finissait par se trouver un mec qu'il ne pourrait de toute façon pas voir en peinture-, et revenons-en on à nos moutons, qui, de fait, auraient grandement besoin d'un berger pour les remettre dans le droit chemin.

« Ouais bah, au moins, les trucs bizarres que mon père fait lui rapportent de la tune. »

La discussion atteignait véritablement des sommets d'intelligence. De quoi leur rappeler le bon vieux temps de la primaire, si ce n'était de la maternelle -mais comme ils ne se connaissaient pas à l'époque, la priorité allait au cours élémentaire- où les chamailleries se faisaient bizarrement similaires. Comme quoi on pouvait douter d'une certaine évolution des mentalités chez nos deux protagonistes -lui étant devenu autrement plus salopard, c'est tout. La bataille de paternels était devenue chez eux un véritable classique, et cela finissait généralement en pugilat assez singulier. Mais Kirô ne s'en contentait pas pour autant : tant qu'il n'aurait pas fait entendre raison à mademoiselle -soit, qu'elle consente à se faire adopter par les Terazawa-, ou qu'elle n'avait pas reconnu qu'il était indéniablement le plus fort, beau, riche, etc., il n'en démordrait pas. Fierté avant tout.

Invincible du haut de son mètre quatre-vingt, il avait embarqué la dame sur son épaule, et, après avoir reçu une soit disant correction -des comme ça, il en voulait bien tous les jours-, une autre vint à suivre, le faisant sourire de plus belle. C'était vraiment pour le punir, ou elle tenait juste à toucher une fois de plus son postérieur digne des plus grands ? Non parce qu'entre nous, la deuxième option paraissait nettement plus réaliste, il fallait se l'avouer.

« Tant que j'suis pas privé de punition, tout va bien. »

Oui, décidément, il allait y avoir du boulot pour leur inculquer la notion véritable d'amitié, celle du genre platonique, et certainement pas améliorée.
Surtout suite au concours de Miss T-Shirt mouillé qui se déroulait présentement dans la salle de bain, tandis que Kirô s'appliquait à lui verser du gel douche sur la tête, ses propres cheveux dégoulinant de l'eau qu'il avait précédemment reçue. Lui n'était encore pas trop trempé, mais le cas de Reina était autrement plus grave. Mouahahaha.

Mais la bête n'avait pas tardé à se rebeller, forçant sur ses mains comme pour lui faire lâcher le gel et le pommeau de douche. Et la manoeuvre réussit à merveille : les mains glissantes, Kirô laissa maladroitement échapper le tuyau, tandis qu'elle lui grimpait dessus sans vergogne, en profitant pour le shampouiner à son tour. Nouvellement trempé de la tête au pied par l'eau froide qui jaillissait toujours de la douche maintenant à ses pieds, une Reina sur le dos, la seule parole qui lui vint fut un :

« Mon gel putain ! »

Parce qu'à la limite, attraper la mort, ça n'était rien en comparaison.
Peu enclin à jouer au cheval de trait, il attrapa les jambes de la demoiselle, solidement ancrées à sa taille, et tenta de les desserrer comme il le pouvait, tout en usant d'une stratégie sérieusement développée : il tournait à droite et à gauche, puis à gauche et à droite, dans le but bien évident de la déstabiliser. Le problème étant qu'il se rapprocha dangereusement du bord de la baignoire, pris à son propre piège, et finit par trébucher sur le pommeau, atterrissant dans le bac... Et accessoirement sur Reina, qui encaissa apparemment le choc à sa place, puisqu'il ne ressentit rien de franchement douloureux. Sa faute, non mais.

Et maintenant ? Maintenant, il essayait de sortir de là, toujours dos à son acolyte, tentant de s'asseoir pour mieux enjamber le tout, histoire d'avoir une avance sur son adversaire.
Sauf que quelque chose lui disait qu'il ne reprendrait pas l'avantage aussi facilement.