Un train peut en cacher un autre ou comment se faire avoir une 2nde fois [PV Izu]

" Le Coréen ! Bouge d’ici, t’es libre. "

Comme quoi, il n’est pas nécessaire d’avoir un discours prosaïque pour que tout soit dit. Une phrase toute bête qui, sortie du contexte, n’avait plus rien à voir, ne signifiait rien. Ce soir, c’était une véritable bénédiction.

Il ne se fit pas prier pour quitter sa cellule sous les jurons et autres regards mauvais de ses camarades de chambrée. Il aurait même pu leur rendre la monnaie de leur pièce mais il était trop impatient de sortir. Ainsi, cette femme qui l’avait rencontré quelques heures plus tôt avait tenu parole…Il se fit escorter par deux gardes qui lui rendirent ses affaires personnelles, lui demandant de signer quelques papiers. L’un d’eux annonça que quelqu’un avait déposé ce mot pour lui. Son ange gardien ? Apparemment, elle lui donnait rendez-vous quelques rues plus loin, certainement pour éclaircir un ou deux points avec lui. Elle attendait certainement un juste retour des choses, une dette et en cet instant, il était prêt à tout lui donner, même s’il ne possédait rien. En se retrouvant à l’extérieur, il savoura la brise qui souffla sur son visage, réveillant quelques blessures. Cette journée l’avait marqué, plus qu’il n’aurait pu le croire et même s’il semblait plus serein, toutes les particules de son corps hurlait contre une seule personne : Nabeshima-san. Jamais haine ne fut aussi grande, aussi incontrôlable et puissante. Songer à elle de la sorte ne pourrait que lui apporter des ennuis supplémentaires et bien qu’il en était conscient, c’était au-dessus de lui. S’il avait suivi ses pulsions, il aurait pris un taxi dans la seconde pour se rendre chez elle et lui cracher à la figure toutes les saloperies qu’il pensait à son sujet.

Il contenait sa douleur et était bien décidé à faire abstraction de celle-ci pour le moment. Comment repartir sur de nouvelles bases après une journée aussi mouvementée ? Il flânait, savourant chaque pas, chaque brise, pareils à une renaissance. Il se rendait compte que sans l’intervention de cette jeune femme, il serait en train de pourrir en taule, à moins qu’on ne se soit déjà occupé de son cas ? L’idée lui fit froid dans le dos et un frisson s’empara de sa nuque pour descendre jusque dans ses reins. Ils s’y seraient mis à plusieurs, sans lui laisser de chance et personne ne se serait soucié d’un coréen à demi-mort. Tout ça à cause de cette garce…Finalement, n’importe quel aspect de sa vie actuelle tournait autour de cette fille riche et c’était tellement frustrant et lourd pour Min-Oh. Accepter ce poste de chauffeur resterait la plus grosse erreur qu’il ait jamais commise…

Il jeta un coup d’œil au bout de papier, histoire de vérifier l’adresse avant d’entrer dans un bar. De nombreux canapés étaient disposés un peu partout et il chercha des yeux sa bonne fée. Il crut la reconnaître de dos et s’avança sous les regards abasourdis de quelques clients. Il devait vraiment faire peur à voir…Qu’importe ! L’important, c’était qu’il soit dehors et qu’il tenait toujours sur ses jambes. Arrivé à sa hauteur, il s’annonça.

" Vous avez demandé à me voir ? "

Il s’installa et releva la tête pour faire face à son interlocutrice. Il cligna des yeux, la respiration coupée. Un coup du sort peut-être ? Après tout, elles se ressemblaient beaucoup toutes les deux. Nouveau clignement de paupières. Non, ce n’était pas celle qui était venue lui rendre visite en prison.

" Nabeshima…san… "

Il prononçait son nom comme pour vérifier qu’il n’était pas en plein cauchemar. Elle était exactement la même que lorsqu’il l’avait laissée, à ceci près que son maquillage était impeccable, son chemisier reboutonné et son expression de victime traumatisée avait laissé place à celle plus assurée et hautaine qu’il lui connaissait si bien. Encore une ruse, une nouvelle farce pour l’humilier et faire que ses nerfs soient à bout. Ses poings sous la table étaient serrés et il pouvait sentir le peu d’ongles qu’il possédait s’enfoncer dans sa paume. Il contracta ses mâchoires, ressentant une immense douleur, autant intérieure qu’extérieure. Le ton qu’il employa n’avait rien de retenu, il était violent et se voulait lourd de reproches, haineux.

" Vous êtes inconsciente n’est-ce pas ? Comment…comment pouvez-vous me convoquer ici après l’enfer que je viens de subir à cause de vous ?! Je n’ai…pas la moindre envie de vous retrouver sur mon chemin… "

Il déglutit avec difficulté et se leva de table, tremblant. Si seulement l’endroit avait été plus tranquille, moins fréquenté, il se serait fait une joie de la brutaliser un peu. Il ferma les yeux et soupira tout en prenant la direction de la sortie. Il ne devait pas se retourner, pas avoir un seul regard en arrière, pas un…