Un peu de menage? ~ Jae Hwa

Ah, ce que la vie savait être cruelle! Ce devait être un art que de torturer les pauvres mortels, un jeu auquel la vie devait bien se plaire. Sinon, pourquoi aurait-elle fait en sorte qu’In Su, le grand frère de Jae Hwa, ait décidé la veille de substituer les batteries du cadran à sa sœurette par celles de son lecteur CD qui, disons-le franchement, manquaient de jus. L’aîné des enfants des Pung n’avait pas plus pris en considération d’avertir la victime qu’il avait emprunté les dites batteries sans intention de se racheter pour sa faute. L’adolescente allait bien s’en rendre compte éventuellement, n’est-ce pas? Certes, certes… Le lendemain matin, sous les cris de sa grand-mère qui lui criait qu’elle était folle, que la jeunesse n’avait plus de respect pour le temps et toute une envolée quasi lyrique sur le fait qu’elle devait être une enfant ingrate puisqu’elle était encore sous les couvertures. Il va de soit que la lycéenne pris deux bonnes minutes avant de comprendre quel était tout se vacarme à quelques centimètres seulement de son visage, puis une autre minute complète avant d’absorber l’information qu’elle serait, normalement, sensée être en train de sortir de l’autobus à Sakurai… à Sakurai… Et elle était à la maison? Elle jeta un coup d’œil rapide à son cadran pour constater qu’il affichait encore deux heures vingt-trois de l’après-midi…

Ciel! Elle allait se faire tuer par son professeur, c’était impossible pour elle d’arriver à temps, vu l’heure qu’il était. Comme si ce n’était pas assez qu’elle soit en retard, elle ne s’était même pas lavée encore! Elle dut donc faire un saut rapide dans la douche, passer à deux doigts de tomber face première sur le sol en sortant de la dite douche, courir en serviette dans l’appartement à la recherche de son uniforme que sa mère avait nettoyé la journée d’avant… Pour enfin quitter la maison avec les cheveux encore dégoulinants, une tranche de pain dans la bouche et sa carte d’autobus dans une main… Ah, mais elle n’avait pas son sac à dos! Elle courut jusqu’à sa chambre pour récupérer ses affaires et elle retourna à l’arrêt… Seulement pour constater que son bus s’éloignait d’elle. Heureusement pour Jae Hwa que le ridicule ne tuait par, car elle serait morte de honte à devoir courir comme une demeurée derrière l’autobus, tout en gesticulant jusqu’à ce que quelqu’un la remarque et demande au chauffeur d’arrêter pour elle.

Il va de soi que l’étudiante se fit réprimander par son enseignant et ce, non seulement pour son retard… Apparemment, il n’avait pas apprécié qu’elle ait un peu de confiture sur le coin de la bouche, ni que ses cheveux mouillés lui collent au visage comme si elle venait de traverser une tempête tropicale et qu’elle ait mis sa jupe à l’envers. Il lui ordonna ensuite d’aller s’assoir afin de ne plus déranger la classe. Jae Hwa n’eut pas à se faire prier pour prendre sa place sous le regard moqueur de ses camarades. Son frère allait en entendre parler de ses aventures matinales, c’était clair, net et précis. Elle trouverait le moyen de se venger tôt ou tard… tôt étant plus probable, d’ailleurs.

Par chance, le reste de la journée se déroula normalement pour la coréenne. Elle n’eut aucune embûche particulière pendant aucun de ses cours et il n’y eut pas de répercussions pires que quelques rires à son égard. Il n’y eut, en somme, rien qui allait l’empêcher de dormir ce soir. Elle termina sa journée avec un cours d’anglais plus qu’ordinaire… notamment à cause du fait qu’elle avait été désignée pour nettoyer le local cette semaine. Quelle joie et quelle allégresse! Enfin, ce n’était pas si pénible que ça à faire. Elle fit comme son camarade de classe qui avait débuté à faire ses trucs dans son coin. Disons que Jae Hwa n’était pas vraiment le type de file à s’imposer à personne, alors elle respectait son silence. Éventuellement, il prit une pause pour la saluer. En signe de respect, elle déposa son linge qu’elle tenait afin de nettoyer le tableau.

Après un début de journée, ma foi, quelque peu rocambolesque, la jeune fille put se détendre avec les heures qui ne lui cachaient aucune surprise. Elle le méritait bien : elle s’était quand même levée en retard, manqué son autobus et était arrivée avec la jupe à l’envers à Sakurai… Puis elle préférait ne pas se remémorer la confiture qu’elle avait oublié sur le coin de sa bouche. C’était assez d’événements loufoques pour une période de 24 heures, n’est-ce pas? Elle pouvait bien vivre avec le rire des autres, mais il lui tardait de retourner à son habituel « je fais partie du décor ». Eh bien, cela attendrait encore puisqu’il était à son tour de faire les corvées de classe cette semaine. Heureusement que cela ne la dérangeait pas vraiment. Elle avait l’habitude d’aider à la maison, donc elle se disait que c’était le même principe ici, seulement qu’il s’agissait de son école au lieu de son appartement douillet.

Bref, fidèle à elle-même, elle avait commencé sans trop chercher à socialiser avec l’adolescent qui partageait son fardeau. Ainsi, elle s’était mise à nettoyer le dessus de la bibliothèque avec un linge… mais elle s’arrêta quand son camarade lui adressa enfin la parole. Elle lui avait accordé toute son attention, autant par respect que parce qu’elle ne tournait jamais le dos à ceux qui lui parlaient. C’était normal de faire face aux gens, ne? Bref, elle se risqua à le saluer avec son nom, bien qu’elle ne fût pas à cent pour cent certaine de son coup. Évidemment, sa salutation avec une terminaison en question suffisait à faire comprendre son hésitation. Par la suite, elle entama la conversation en se présentant elle aussi, puis en sortant le sujet le plus banal pour commencer à apprendre à connaître quelqu’un : son club scolaire. Après un serrement de main, elle eut la confirmation que toutes ses affirmations étaient vraies. Elle avait une meilleure mémoire qu’elle ne le pensait! Peut-être était-ce ça l’avantage d’écouter plus que de parler?

Elle eut un petit rire quand ce fut le tour de Kazuya de deviner son club scolaire à elle. Non seulement il n’était pas plus certain qu’elle à toute à l’heure, mais la mine qu’il faisait présentement… Ça n’avait pas de prix aux yeux de Jae Hwa qui commençait à être habituée d’avoir une telle réaction venant des gens. Pourtant, la biologie n’était pas une matière si pénible que cela. On pouvait en apprendre énormément sur les organismes, autant humains, qu’animaliers ou même des plantes! C’était beaucoup plus intéressant que le commun des mortels ne semblait vouloir penser. Bref, la nippone eut un autre rire quand le garçon lâcha finalement sa main après s’être secoué la tête.

Elle avait terminé avec un ton humoristique… Et si ce Kazuya Danno était le moindrement observateur, il comprendrait que ce n’était pas dans les habitudes de la lycéenne de parler autant, encore moins de faire des blagues. Simplement, elle faisait des efforts pour faire vivre cette conversation et ainsi rendre le ménage un peu moins pénible pour les deux. Après tout, ils étaient dans le même bateau pour la soirée, ne?