The war of love. [Kirô] ♥

« Putain de merde. »

« Quelque chose ne va pas ? »

A la question interrogatrice de la demoiselle qui l'accompagnait, Kirô répondit par un nouveau juron, avant de se précipiter vers sa précieuse voiture, une expression horriblement contrariée sur le visage. Il posa ses mains sur la carrosserie, les fit glisser le long des nombreuses rayures qui la traversaient, avant de laisser échapper une autre insulte. Les pneus étaient crevés, et l'on pouvait clairement lire un « Enfoiré », gravé à la trace de clés. Quels étaient les connards qui avaient touché à sa précieuse ? Certes, les dégâts étaient largement réparables. Mais c'était une question de principe, voire d'honneur : s'en prendre à sa sport, c'était s'en prendre à lui. Et s'il mettait la main sur ces enfoirés...
Il pesta encore un peu, et dégaina violemment son portable, avant de se tourner de nouveau vers sa voiture abîmée, demandant à ce qu'on -soit, un pauvre larbin des Terazawa- ne vienne s'en occuper comme il se devait. Et n'aille se plaindre à la police la plus proche. Car malgré tout, Monsieur avait d'autres projets pour la soirée, et s'ils avaient d'abord été contrariés par cette funeste découverte, ils ne s'arrêtaient pas pour autant. Encore heureux : quel homme digne de ce nom aurait laissé choir une telle beauté ?
Lui si sa voiture avait été définitivement hors d'usage, s'il avait été de mauvaise humeur, ou n'avait tout simplement plus eu envie de se la trimballer ? … Bon, d'accord.

« Quelques emmerdes, mais ça va aller. », fit-il en raccrochant, de nouveau près de la jeune femme, les sourcils néanmoins toujours froncés.
Quoi faire maintenant ? Attendre un chauffeur ? Trop long. Prendre le métro ? Non merci, ses vêtements de marque ne supporteraient pas le choc. Ne restait plus qu'une option plutôt acceptable, puisque coûteuse : le taxi.

Rika lui prit le bras tandis qu'il sortait une cigarette, sans même qu'il ne la repousse : cette fille-là avait le don de l'apaiser en un geste, exploit plutôt remarquable en son genre. S'approchant de la chaussée, il grogna un peu lorsqu'il aperçut un taxi se profiler au loin. Emprunter un moyen de transport autre que sa propre voiture de luxe le chiffonnait toujours un peu. M'enfin. Puisqu'il n'avait pas le choix...

« Taxi ! »

Et un claquement de doigt pour montrer qui commandait.
Sauf qu'au même moment que la sienne, une voix bien connue avait retenti. Tournant brusquement la tête, priant pour qu'il ait simplement confondu, il l'aperçut qui le regardait avec une expression hébétée.

« C'est pas vrai. »

… Quelles étaient les chances pour que lui et Aoi Soejima prennent le même taxi, ce soir-là ? La poisse était définitivement avec lui. Alors, prendre une autre voiture ?
Hors de question. S'il abandonnait la partie maintenant, il s'inclinait contre son horrible fiancée. Empruntant alors un air décontracté, il s'approcha en compagnie de Rika, et sans un mot, bondit sur la poignée de la voiture... En même temps qu'Aoi. Sa mâchoire se serra, tandis qu'il tournait la tête vers elle. Qu'est-ce qu'elle venait de dire, la morveuse ?

« Ferme-la, j'ai la priorité. Tu vois pas que je suis accompagné ? »

Il n'eut pas le temps de continuer sa plaidoirie qu'il dut bloquer la première tentative de sa charmante fiancée. Puis la deuxième, alors qu'il la fixait toujours de son regard devenu un peu plus furibond. Si elle cherchait les ennuis, pour sûr qu'elle allait les trouver : Kirô n'était pas prêt de lâcher l'affaire. Autant dire qu'il soutint les prunelles noires de la demoiselle sans même sourciller, la mâchoire saillante. Quelle emmerdeuse ! Quelle chiante ! Quelle... Malchanceuse.
Un sourire narquois vint se peindre sur ses lèvres lorsque ses yeux se posèrent sur les sous-vêtements, nouvellement découvert à sa vue. De tous les sacs qu'elle portait, il avait fallu que ce soit celui-là. Excellent.

« Et tu comptes allumer qui avec ces mochetés ? Ma pauvre fille. »

Mauvaise foi x_x. Ses sous-vêtements avaient tout ce qu'il y avait de plus kawai / sexy / aguicheur -rayez mention inutile, si inutilité il y a-, mais Monsieur préférait bien entendu bâcher la demoiselle à ce sujet. Surtout qu'il profita du malaise d'Aoi pour ouvrir la portière à son compte, et y faire entrer Rika la première, barrant le passage à sa future femme -non mais quelle horreur x_x- en lui offrant son dos. A son tour, il se glissa dans le taxi, et commença à fermer la portière, lorsqu'une résistance inhabituelle se fit sentir au niveau de la poignée.
Pitié, faites que la morveuse ne réussisse pas à venir s'incruster x_x.

Cette journée avait pourtant plutôt bien commencé. Peut-être même trop bien, d'ailleurs : au réveil -soit en plein milieu de l'après-midi-, il n'avait pas eu le malheur de croiser sa cadette, et ne souffrait d'aucune gueule de bois sévère, fait étonnant si l'on considérait la veille. Il s'était ensuite aperçu que la charmante Rika, qu'il avait rencontrée l'autre soir et qui l'avait particulièrement marquée, preuve en étant qu'il se souvenait de son nom, lui avait laissé un message, lui proposant de se revoir le soir même. Oui, tout avait été parfait. Jusqu'à ce qu'Aoi ne vienne tout foutre en l'air, dans sa grande mansuétude, allant même jusqu'à étaler ses sous-vêtements à sa vue -sûrement pour l'en dégoûter un peu plus.
Kiki, stop la mauvaise foi sur les sous-vêtements x_x.
De la mauvaise foi ? Où ça ?
Juste ici, imbécile è_é. On sait pertinemment que si tu penses ou dis des trucs pareils, c'est simplement pour l'emmerder.
Et ? Il était clair qu'il allait tout faire pour qu'elle s'en rappelle, de ce malheureux incident. Et pour s'arranger que d'autres du genre se produisent ; parce qu'après tout, déballer ce genre de choses aux yeux de tous, ça n'était pas si grave en soi, malheureusement pour Kirô. Même si le malaise risquait de réapparaître chez Aoi une fois la chose de nouveau évoquée, mouahaha.

Les choses parurent de nouveau reprendre une tournure favorable lorsque la portière du taxi commença à se refermer, sans que Mademoiselle n'ait même répliqué à ses piques : lui crut clairement avoir gagné, tirant de fait avec une force modérée sur la poignée, soulagé qu'elle lui lâche enfin la grappe. S'il avait su que sa fiancée se préparait à une contre-attaque de choc, il n'aurait en aucun cas relâché sa vigilance, et, de fait, aurait gagné ce concours de force sans grand effort. Vous la voyiez la naine, gagner contre lui en terme de puissance ?
Quand il vit de nouveau son visage furieux en face du sien, Kirô crut la tuer sur place. Elle ne pouvait pas simplement renoncer, et partir à la recherche d'un autre taxi ? Trop demandé, bien entendu : le coller pour mieux lui pourrir sa soirée était une idée autrement plus grandiose. Saleté. Irrité, il soutint le regard noir de la demoiselle, attendant la suite avec une impatience furibonde. Qu'allait-elle encore lui sortir cette fois-ci ? Qu'il n'était vraiment qu'un enfoiré qui ne pensait qu'à sa trombine ? Qu'elle valait mieux que lui, et devait en conséquence prendre ce taxi, sous peine d'un scandale en pleine rue ? Autant de choses dont Kirô n'aurait strictement rien eu à faire. Mais en l'occurrence, Aoi avait opté pour une toute autre tactique.

D'abord, il vit son regard se tourner vers Rika, qui suivait la scène sans mot dire depuis le début, et il fronça les sourcils d'incompréhension -et de méfiance, aussi, la chose étant loin d'être commune- lorsqu'elle commença en l'appelant par son prénom. Il y avait un truc qui clochait. Un truc pas normal. Un truc qui allait le faire chier au plus haut point, il pouvait le pressentir d'ici. Dire qu'il aurait pu la pousser sur le trottoir, et reprendre ses droits sur la portière. Certes en lui cassant probablement quelque chose, mais il fallait bien faire quelques sacrifices.
Et puis, s'il avait su ce qu'elle allait lui balancer, nul doute qu'il s'y serait atteler sans remords aucun.

« Hein ? »

L'incrédulité fit une entrée spectaculaire sur son visage, les sourcils froncés à l'extrême. Qu'est-ce qu'elle avait dit ? Quand même pas qu'il était à elle ?
Sans lui laisser le temps de se ressaisir pour lui en mettre une, elle agita sous son nez la pseudo bague de fiançailles. Insulte même pour les parents Terazawa, qui avaient gâté Aoi d'une bague autrement plus chère. Insultes qui ne tardèrent pas à pleuvoir sur leur aîné de manière détournée, lui faisant serrer la mâchoire -et reprendre ses esprits, aussi. Il s'apprêta à intervenir violemment, lorsqu'elle en profita pour l'achever en beauté.
… Elle était donc capable de lui faire une déclaration pour arriver à monter dans le taxi ? x_x. Quelle tarée. Qui lui avait de fait bien écorché les oreilles avec des trucs pareils. De quoi vous filer des cauchemars pour les prochains mois.

« Arrête ton cinéma et lâche-nous la grappe. C'est pas à moi que tu vas faire avaler des conneries pareilles. »

« On pourrait partager le taxi. Qu'est-ce que tu en penses, Kirô ? »

Il tourna brusquement la tête vers Rika, qui lui répondit par un joli sourire, néanmoins teintée d'une pitié visible envers la pauvre Aoi. Elle la croyait ? Ou s'inquiétait-elle seulement qu'il ne la laisse choir sur le trottoir avec tous ses sacs ?

« Hors de question. C'est pas sur le chemin. »

« Faites monter la p'tite dame ou j'vous vire à coups de pied au cul. »

Le regard du chauffeur croisa celui de Kirô, devenu meurtrier. De quel droit ce mec-là intervenait-il ? Ils s'étaient tous passé le mot pour l'emmerder, ou quoi ?

« Vous, on vous a pas sonné. »

Et, tandis que l'autre lui répondait tout aussi mal, Terazawa Fils tourna la tête vers Aoi, la fusillant de ses prunelles sombres.

« Barre-toi, Soejima. »

Tout en délicatesse, Kiki x_x. Et si elle pique une crise, c'est tant pis pour ta pomme.

Bien entendu, Kirô savait pertinemment qu'il n'allait pas s'y bien s'en tirer. Vous la voyiez, Aoi, claquer la porte et se faire la malle sans demander son reste -ou, en l'occurence, sans s'imposer au détriment de l'avis de son fiancé ? C'était tout juste s'il l'avait espéré une seconde, malgré ses phrases mordantes et son ton tout à fait adapté : cette fille était d'une ténacité horriblement contraignante. Si elle avait été du genre pleunicharde, elle aurait certainement craqué depuis longtemps, et elle lui obéirait désormais sans broncher, comme la plupart de ses victimes.
Mais malheureusement pour lui, il avait, une fois de plus, affaire à un fort caractère qui, s'il parut se montrer conciliant avec le froncement de sourcils de sa propriétaire, se révéla de nouveau dans le sourire qui s'ensuivit. Qu'est-ce qu'elle avait encore derrière le crâne, cette imbécile ? Elle ne pouvait pas le lâcher au moins pour une soirée, et aller faire chier quelqu'un d'autre qui le méritait vraiment ?
Comme si toi tu ne le méritais pas, après toutes les crasses que tu lui as fait subir x_x.

… Elle n'était quand même pas en train de s'installer, là ?
Horrifié, il la vit déposer ses affaires à l'avant, et tenta en dernier recours de faire barrage au niveau de la portière, où elle se tenait toujours. Elle était contorsionniste en plus d'être chiante ? Il grogna quand il la vit s'engouffrer dans le taxi, sans se préoccuper du fait qu'il soit dans le passage, s'appuyant sur sa tête sans complexe. Il s'apprêtait de fait à lui apprendre qu'il ne fallait pas le toucher sans son accord en la poussant violemment de l'autre côté, lorsqu'Aoi s'assura un passage sécurisé en manquant d'écraser une partie particulièrement sensible de son anatomie. Un mouvement de travers, et on pouvait être sûr que son genou glisserait malencontreusement sur cet endroit-là. Réflexe de survie néanmoins : Kirô posa une main sur le fameux genou de mademoiselle, comme pour prévenir tout dérapage, et en profita pour lui saisir le poignet de la main qui s'appuyait tranquillement sur sa tête, l'en tenant éloignée.
Quelqu'un avait de l'eau bénite, histoire de se purifier d'un contact aussi répugnant ? Non parce que là, lui toucher la jambe et les mains dans le même temps, c'était plutôt...
Et le voilà éloigné de la jolie Rika par la présence d'Aoi, qui avait bien choisi sa place entre eux deux, bonne chieuse qu'elle était. Tandis qu'il se recoiffait, il la vit s'étirer sur lui pour mieux fermer la porte, fulminant de plus en plus suite à cette proximité agaçante. Il rêvait, ou elle était en train d'entamer la conversation avec son rencard ?

« Hors de question de la déposer, on a la soirée devant nous. »

Comprendre qu'un plan sur Ginza était prévu depuis le début, et qu'aucun des deux n'avait pour le moment l'intention de rentrer chez lui.
Quoique.

« Laisse, vous avez l'air d'avoir des choses à vous dire. Je repasse chez moi, et je te rappellerai dans la soirée, d'accord ? »

… Du calme Kiki, du calme. Tout n'était pas perdu : elle lui offrait clairement l'opportunité de se revoir plus tard dans la même journée. Il maugréa un « Ouais. » néanmoins mécontent, regarda par la fenêtre d'un air contrarié tandis que Rika indiquait son adresse.
Et qu'est-ce qu'elle avait l'autre quiche à vouloir lui parler ? Il esquissa une grimace de dégoût au « chéri », baissa les yeux tandis qu'elle tournait la tête vers sa voisine. Combien de temps résisterait-il encore avant de lui en mettre définitivement une ? Les limites de sa patience légendaire étaient en vue, et si mademoiselle continuait à s'obstiner de la sorte, elle entrerait en zone dangereuse sous peu.

« Tu sais, Aoi, tu aurais pu miraculeusement bien me convaincre si je n'avais pas été là depuis le début. »

La réplique que Kirô s'apprêtait à lancer fut retenue, tandis qu'il tourna les yeux vers Rika, qui souriait toujours à Aoi. Qu'est-ce qu'elle avait dit ?

« Le problème, c'est que tu surjoues, dans les clichés qui plus est. Tu m'auras au moins rassurée sur le fait que vos fiançailles sont tout sauf la conséquence d'un amour réciproque. »

Nouveau sourire.
La vache. C'est qu'il l'avait bien choisie, sa proie du moment. Arborant à son tour un sourire victorieux, Kirô baissa les yeux sur Aoi, sa colère apparemment envolée grâce à la prestation de sa belle.

« C'est ça de vouloir jouer à la plus maligne, chérie. »

Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse. C'est ce qu'aurait voulu balancer Kirô à Aoi, si lui-même respectait ce principe de base : pourquoi faisait-elle la grimace à un simple « chérie », là où elle lui avait fait endurer tout un comportement de fiancée amoureuse ?
Comme il aurait pu s'en douter, madame répliqua à Rika, qui se contenta de lui sourire en retour d'un air faussement aimable, traduisant néanmoins à quel point elle trouvait sa dernière phrase pathétique. Dont on trouva le rebond sur le visage de Terazawa, ravi de voir qu'Aoi se faisait moucher sans même qu'il n'y concoure : cette fois-ci, il allait même peut-être tenir ses promesses envers Rika, qui promettait définitivement plus que toutes celles qu'il avait pu connaître jusqu'alors. Peut-être, ne.

Mais il venait de faire une grosse erreur en s'installant tranquillement au fond de son siège, hésitant de fait à jeter les deux filles dans une mare de boue, histoire que le combat n'en soit que plus enrichissant. L'allure du taxi parut ralentir pour s'arrêter, et Kirô fronça les sourcils lorsqu'il se rendit compte que la voiture était arrêtée le long du trottoir. Ils n'étaient tout de même pas déjà arrivés ?
Non, bien sûr que non. Le chauffeur semblait avoir le besoin irrémédiable de faire démonstration de son autorité. Lui haussa les sourcils à sa première phrase, légèrement surpris, mais pas pour autant impressionné. Il voulait les faire sortir lui et Aoi ? Sous prétexte d'une dispute ? Conneries. S'il croyait qu'il allait se bouger après une simple gueulante, il se foutait le doigt dans l'oeil jusque dans l'omoplate.
Et le voilà qui s'adressait directement à lui, lui envoyant un regard des plus noirs, tout en déblatérant un discours affligeant de débilité niaiseuse. Charles Ingalls avait décidé de s'établir à Tokyo et de se recycler comme chauffeur de taxi ? Ou Jésus avait soudainement ressenti le besoin de passer le rôle du moralisateur à un clampin nippon ? Quoiqu'il en était, il était clair qu'il n'allait pas se faire virer de là par un mec qui avait probablement autant d'emmerdes avec sa bonne femme que lui avec son imbécile de fiancée. Et puis depuis quand voyait-on des chauffeurs refuser des clients, plein aux as qui plus était ? Ce mec était tout simplement con. Et avait réussi à le mettre de nouveau en rogne, sa mâchoire attestant d'un état nouvellement coléreux.

Soejima voulut sortir la première, et, apparemment convaincue qu'il allait la suivre, se tourna vers lui dans l'attente qu'il ne se lève le premier. Mais Kirô n'en fit rien : il s'avança sur son siège, attrapa le col du chauffeur par derrière, le collant brusquement contre l'appui-tête.

« Est-ce que tu sais seulement à qui tu t'adresses, connard ? Dans deux minutes, t'es mort. »

Il s'extirpa illico de l'habitacle, et fit prestement le tour du taxi pour se retrouver du côté conducteur, tirant brusquement sur la poignée de la portière pour en sortir l'enfoiré. Le problème étant qu'une fois Aoi sortie, il en avait profité pour user du verrouillage centralisé, et narguait maintenant Kirô de l'autre côté de la barrière.

« Espèce d'enfoiré ! Putain de merde ! »

Le taxi démarra bientôt, manquant d'écraser les pieds de Terazawa, qui s'acharnait toujours sur la portière. Il donna un ultime coup de pied dans la carrosserie, jura un peu plus, et regarda la voiture s'éloigner en se passant les mains dans les cheveux, plus remonté que jamais. Il s'était fait avoir comme un bleu, à vouloir user de stratégie. Bordel.
Et l'autre emmerdeuse entreprit de lui briser une partie de son anatomie avec acharnement, lui soulignant plusieurs faits qu'il s'appliquait à oublier, tel que le mariage, ou encore leur engagement. Mais là où elle le surprit par ce qui semblait être de la connerie pure fut le moment où elle lui parla de... Fidélité. D'abord sous le choc, le retour de flammes n'en fut que plus redoutable : d'un geste violent, il écarta son doigt de son torse.

« T'es complètement conne ou tu le fais exprès ? Putain, réveille-toi Aoi ! Tu veux que je te baise toi, et uniquement toi sous prétexte d'un engagement de merde ? Mais ma pauvre fille, tu rêves ! Ecoute-toi parler putain ! Pourquoi tu crois que mes parents sont aussi souvent absents ? Uniquement pour affaires ? Ma mère prend même pas la peine de se cacher ! Arrête les contes de fées, sérieux ! »

Mais ça n'était malheureusement pas fini. Après ce déferlement de rage pure, Aoi avait renchéri avec une question à propos de Rika.

« Et tu crois sérieusement que j'ai des comptes à te rendre ? Putain. J'te plains. Vraiment. »

Et sur ce, il s'éloigna sur la chaussée, lui tournant ouvertement le dos, tentant d'appeler un autre taxi. Les nerfs à fleur de peau, ça allait de soi.

Il savait pertinemment qu'avec de telles paroles, il finirait par la blesser. Peut-être jusqu'aux pleurs, de fait : il la connaissait malheureusement trop à son goût, et savait Aoi particulièrement sensible à ce genre de désillusions, aussi réalistes soient-elles.
Et c'était tant mieux. Qu'elle morfle, chiale, hurle, mais qu'au moins, elle réalise de quoi ce monde était fait, et, surtout, ne lui brise plus une partie précieuse de son anatomie à grands coups de conneries du genre. C'était bien entendu de l'égoïsme pur, plutôt qu'un véritable souci quant à l'idéalisme de sa fiancée : pour faire court, il n'avait radicalement rien à cirer du fait qu'un jour, elle tombe de haut à cause de ces mêmes débilités. Ce qu'il faisait maintenant n'était rien d'autre que de la hargne pure, un déchainement de colère brutal, dont il pensait qu'elle était la principale responsable. Ses blessures ne seraient que le juste retour de bâton quant à cette soirée gâchée, et il ne regretterait en rien le moindre de ses faits et gestes. Une fille aussi stupide ne méritait qu'un châtiment du genre, si ce n'était plus ; il se trouvait encore trop avenant dans son comportement pour se considérer comme un être particulièrement sans coeur.

De fait, il avait naïvement cru qu'il pourrait s'en sortir à ce stade, toujours gravement en rogne, mais néanmoins soulagé d'avoir tout pu lui balancer sans qu'elle ne la rouvre par la suite. Dans l'idéal, Seto, ou Neji serait libre -hors de question quant à Reina, les bonnes femmes, il avait déjà assez donné ce soir-là-, et il finirait par oublier la médiocrité de cette foutue journée dans un bon verre de whisky, à se plaindre de la conne à qui il allait finir marié, et de l'autre salope qu'il n'avait pas encore réussi à tirer. Avec un peu de chance, il n'aurait pas à croiser son imbécile de soeur en rentrant complètement saoul, ou l'un de ses amis lui donnerait le gîte pour la nuit, histoire de décuver dans un cadre plus détendu : les parents Terazawa n'aimaient pas franchement retrouver, de bon matin, leur fiston endormi sur les toilettes, encore à moitié ivre.

Ses oreilles bourdonnèrent lorsqu'il crut entendre son nom, serrant la mâchoire d'autant plus, et il opta pour l'option ne faire comme si de rien n'était, jurant intérieurement s'il s'agissait bel et bien d'un retour en force d'Aoi. Elle n'avait pas eu sa dose, c'est ça ? Ou alors, elle cherchait vraiment la merde avec un Kirô autrement plus énervé que d'habitude ? A ce stade, l'hypothèse d'une réaction physiquement violente n'était pas à exclure -parce qu'en plus, le tout détendrait franchement le bonhomme, et illuminerait brutalement sa soirée.

« Putain de MERDE. »

Siffla-t-il entre ses dents lorsqu'elle vint se planter en face de lui, sans pour autant réitérer le contact doigt / torse -et heureusement. Il allait encore devoir écouter ses putain de conneries, se battre verbalement avec elle sans qu'elle ne finisse pourtant par abdiquer, alors qu'ils savaient pertinemment tous deux QUI avait raison.
Et en plus, elle jouait à celle qui avait le droit d'être en colère, osait aller jusqu'à le fusiller du regard. Regarde qu'il lui rendait au centuple, devenu effrayant de rage en un laps de temps record. Et pourtant, on ne pouvait lire chez elle aucun signe de peur : pensait-elle qu'il ne serait pas capable de lui en coller une dans sa jolie face avec une délectation sans borne ? Qu'elle soit une fille adorable ne faisait que développer un peu plus ses envies de meurtre.

Pendant le temps de sa -putain de- plaidoirie, il prit son mal en patience, faisant blanchir les jointures de ses poings, les dents serrées jusqu'à s'en faire péter l'email, prêt à bondir.
L'explosion survint lorsqu'elle se releva de sa courbette. Dans un geste violent, il attrapa son poignet de sa main faible, et de l'autre, le coup partit sans plus de cérémonie. Ce n'était pas un de ces crochets du droit dont il avait le secret, mais on ne pouvait décemment pas considérer le tout comme une simple gifle qu'on donnait dans un catfight. En gros ? Une baffe magnifiquement administrée, secondée par les bagues dont ses doigts étaient ornés, avec force et maîtrise. Et qui avait l'air de faire particulièrement mal. Mais là encore, elle l'avait mérité.

Se souciant peu des regards outrés qu'on lui lançait, il attrapa son bras encore libre, la poussa avec hargne contre la portière d'un taxi tranquillement garé, pour mieux la coincer contre, entravant ses jambes de son bassin. Pour peu, on aurait juré une scène d'amour à tendance sadique, ne ? Et pourtant.

« Maintenant, tu vas m'écouter, et fermer la grande gueule qui te sert de bouche. »

Il comptait bien évidemment sur l'effet de choc que l'enchainement avait pu produire. Présentement, il présentait de fortes ressemblances avec un psychopathe sur le point d'écorcher vive sa victime, ses yeux sombres plantés dans ceux d'Aoi. Son ton était étrangement bas, bien que la rage -colère eut été trop faible- dont il était en proie n'y perce avec une évidence folle, la crachant au visage de la demoiselle : comme quoi, dans quelques secondes, ça allait autrement plus chier qu'auparavant.

« Tes putain de parents, j'en ai strictement rien à foutre. S'ils pensent que j'suis un type bien, ça montre à quel point ils sont complètement débiles. Des aliénés pareils, ça me troue le cul. »

Son visage se rapprocha de celui de la demoiselle.

« Et quels efforts tu fais toi, hein ? A part jouer la pauvre petite fille à qui on aurait refilé un monstre ? T'as qu'à péter ta crise et te barrer de chez toi, et l'histoire est réglée. Le problème, c'est que tu pètes trop de trouille à l'idée de plus être sous la protection Soejima. Moi j'vois pas pourquoi j'prendrais le risque de tout perdre sous prétexte que j'vais me retrouvé lié à une conne comme toi. C'est pas à moi que ça pose un vrai problème. J'y crois pas, en ces conneries de merde sur le mariage d'amour, tant que j'peux baiser ce qui me plait. »

Dans un mouvement de recul, il rejeta ses poignets en arrière, fit quelques pas en retrait, et, après l'avoir considérée encore quelques instants avec un dégoût criant, se détourna sans plus un mot, ressentant le besoin pressant de marcher jusqu'à plus soif.